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Thursday 23 July 2015

Amelia Rosselli | Variazioni belliche

(Amelia Rosselli - Dino Ignani)


la mia fresca urina spargo
tuoi piedi e il sole danza ! danza ! danza ! – fuori
la finestra mai vorrà
chiudersi per chi non ha il ventre piatto. Sorridente l'analisi
si congiungerà – ma io danzo ! danzo ! – incolume perché
'l sole danza, perché vita è muliebre sulle piantogioni
incolte se lo sai. Un ebete ebano si muoveva molto
cupido nella sua
fermezza : giro ! giro ! come tre grazie attorno al suo punto
d'oblio !

Wednesday 22 July 2015

Pascal Quignard | Abîmes

Chapitre LXIX, Endymion d'Élide

Il se trouva qu'Endymion d'Élide s'endormit dans le fossé d'un champ. Il rêva.
Cette fois ce ne fut pas l'aube, ce fut la lune qui vit le sexe dressé, qui le désira, qui s'approcha, qui s'assit sur lui, qui s'emplit de sa joie.
Au terme de la nuit, la lune, le voyant s'éveiller, lui murmura qu'elle lui accordait un vœu. Il dit :
– Une nuit sans fin, sans rêve, sans toi, sous le ciel noir.

*



Au cours de chaque journée les couleurs et leurs teintes s'usent. Alors elles inventèrent la nuit où elles se fondent et où leurs différences s'effacent pour se réparer jusqu'à l'aube qui sourd et qui les recolore dans son sang.
Comme les blocs de lave solide rebroyés au centre de la terre attendent de recouvrer toute la violence de leur jadis dans la déflagration rayonnante, surgissante, imprévisible.

*



Au Ve siècle le baptême des Chrétiens était collectif et annuel. Après quarante jours de jeûne et de continence il avait lieu durant la nuit de Pâques, par immersion intégrale des néophytes dépouillés de tout vêtement.
Les Chrétiens attendirent la fin du Moyen-Âge pour cesser de célébrer les mariages la nuit.
 

Tuesday 21 July 2015

Pascal Quignard | Abîmes

Chapitre LXVIII - Cur

Enfant j'étais souvent dans la lune. Je me retrouvais à genoux sur un coin d'estrade. La lune est le lieu où Jadis nocturne échoue et vient muer. C'est la rêverie sexuelle qui ignore son nom; L'aoriste est une toxine. Le penseur porte dans ses mains, quand elles sont vides, quand elles sont nues, quand il les examine, le pourquoi originaire.
Nous sommes des recrues sans cesse entêtées de causes dont les origines se perdent dans le noir.
J'évoque l'addiction au cur infantilis.
La question du point de départ est la question la plus originaire.
Mais en amont de tous les pourquoi, c'est la « question » qui est l'« originarité » même : en amont de l'aube, en amont de la naissance.
Il n'y a rien d'antérieur au commencer comme il n'y a aucune réponse antérieure au questionnement.
Rien ne maîtrise ce qui déchire.
Origo est un terme d'astronomie ancienne.
Le latin origo vient de oriri. Oriri exprimait l'astre apparaissant. La langue française dit du soleil : Il se lève à l'horizon. Oriri est plus proche de surgere.
Le soleil sourd.
C'est l'être comme ce qui sourd partout.
Le lieu de oriri se nomme l'orient.

*



Le vrai questionneur ne cesse d'ouvrir, de faire sourdre, de faire lever, de faire surgir, de déchirer, d'éloigner les deux bords de la plaie, de distendre les deux lèvres de la question, de séparer les deux sexes de la sexuation.
Ne cesse d'écarter les deux pôles de la relation.
Ne cesse de différencier à nouveaux frais, sans fin, sans terme, sans frontière, sans horizon.

*



Jamais il ne faut répondre.
Il y a quelque chose d'inimaginable en dessous de toute image.
Les substrata reproduisent ce que nous étions quand nous étions dans le placenta.
Une étrange relation.
Prenons des images de l'antéimaginaire du corps impliqué dans sa chose. Comme le lecteur impliqué dans sa lecture. La chose dans la mère.
 

Sunday 19 July 2015

Pascal Quignard | Abîmes

Chapitre LV, Sur la force

Sur Sémélé la Foudroyée de Zeus.
Sémélé est la mère de Dionysos le Sauvage. Dionysos est l'Inéducable, le Jadis, Maître du vin lui-même fils de l'Éclair.
Tous les psychotropes s'attirent entre eux.
Les flashes forment un troupeau que mène la fulguration.

*



En latin vis, virtus, violentia sont le même. Dans la vis, la force et le jaillissement sont mêlés. Vis est pulsio. Excréments, souillures ont une merveilleuse puissance génétique car ils sont jaillissants comme la vie qu'ils prouvent. Enfant, matière fécale, urine, vomi, sperme, larmes jaillissent du corps comme des naissances.
Dans la vis, le rire et la force sont liés : Le rire est ouverture. Ouverture qui ouvre les ouvertures.
Les humains pissent de rire.
Le rire fait sortir de la caverne du corps une espèce de soleil ou de force qui éclate.
Faire sortir le soleil de sa caverne dans les mythes sibériens, dans les mythes américains, faire sortir l'ours Printemps de sa caverne européenne – où il hiberne et hiverne dans son ossuaire, entouré de ses griffures sur les parois.

*



Izanagi étreignit Izanami et son étreinte donna naissance aux îles du Japon.
Puis Izanagi étreignit Izanami et son étreinte donna naissance à Amaterasu le Soleil.
Puis Izanagi étreignit Izanami et son étreinte donna naissance à Kagutsuchi le Feu. Or le feu brûla la vulve de sa mère en en franchissant les lèvres et Izanami mourut quand elle mit Kagutsuchi au monde. Izanagi fou de douleur tua son fils Kagutsuchi et descendit au royaume des ténèbres pour y rechercher Izanami. Mais en remontant des enfers Izanagi se retourna et fut saisi d'effroi devant le spectacle de la mort sur le visage d'Izanami.
Il abandonna aussitôt son épouse. Il fuit. Et il boucha l'entrée des enfers pour que son épouse ne vînt pas le rejoindre dans le dernier royaume.
Amaterasu, la fille Soleil, fille d'Izanami et d'Izanagi, sœur aînée du feu, se réfugia dans une grotte.
Alors la terre ne fut plus éclairée.
Tous les Kami du ciel se rassemblèrent devant l'entrée de la grotte où s'était réfugiée la femme soleil pour l'en faire sortir. Ils dansèrent devant l'entrée.
Ils dansèrent, des années durant, sans que le soleil sortît.
Un jour, Ame no Uzume dévoila ses parties en dansant. Tous rirent. Amaterasu voulut voir quelle pouvait être la cause de ce fou rire ; elle sortit, vit la danse obscène que faisait Ame no Uzume avec sa vulve, rit, éclata de rires-rayons, illumina.

*



Ame no Uzume est Baubô.
La vis ne recèle que la violentia sexuelle.
Violence colérique et décharge de rire alternent rythmiquement. Elles ponctuent l'univers : jadis et généalogie, source et femme, volcan et grotte.
Colère est l'ancien nom du coït et rappelle la faim hivernale, gigantesque, monstrueuse, où rôde un alter blessé à mort.
Dans le rire persiste l'hémorragie intarissable de la naissance. C'est la femme à tête de bison au bout du pic de la grotte de Chauvet.
Hémorragie qu'on voit dans la scène du puits de la grotte de Lascaux à Montignac.
Bison blessé, le ventre ouvert, hémorragique, solaire, retournant sa tête.
Turgescence du chasseur. Saillie dans la nuit de la grotte comme l'érection signe le rêve. Saillie du premier signe dans le premier homme tué. Le Sacrifié. Le Mort. Le Dieu. Le Crucifié.
Marc Aurèle a écrit : Le soleil se répand partout mais ne tarit jamais.
Parturition, explosion sanglante, aube, fièvre, hémorragie, épanchement, éclatement est la plus ancienne figure du temps.
Eaux avant les eaux.
Vieux déluge d'avant les terres émergées, les forêts et les fleuves.

Friday 17 July 2015

Pascal Quignard | Abîmes

Chapitre XXXIII - Le point solstitiel


Dans l'amphithéâtre de Carthage où j'errais avec M. tout à coup nous tombâmes face à face avec le cervidé la tête tournée en arrière, la patte gauche relevée. Le cervidé se retourne dans l'acte de brouter les feuillages du printemps. Ce cerf est un des plus vieux thèmes figurés dans le monde. C'est le point solstitiel.
Le mot latin solstitium se décompose de la sorte : le soleil (sol) s'arrête soudain (stare) dans son avancée céleste, ayant atteint sa plus forte déclinaison boréale ou astrale.
C'est ici le 21 juin ou le 21 décembre.
C'est le jour le plus long. C'est la nuit la plus longue.
Une fois parvenu à ce point, le héros soleil repart en avant, sans se retourner. C'est l'interdit de rétrospection. Le soleil dans son voyage écrit les temporalités plus brèves des saisons sur la ligne qu'il suit entre ces deux points.
Cet aller et retour entre ces deux points inventent l'année comme première ligne d'écriture loin en amont de toute langue écrite.

*



Le temps ne connaît pas d'autre direction que celle qui surgit du passé. La reporduction est la source. La vie est accumulation de ce qu'elle rejette comme une bête dans les astres.
Les saumons vont droit à la frayère pour y mourir.
Toutes les plantes se tournent vers leur jadis (le soleil).
À l'arrivée de son retour, fleurissent.
Même le soleil danse – fait demi-tour – le jour du solstice.

*


Ulysse est Sindbad le Marin. Pour aller où ? Il se rend à Ithaque. Il va vers ses aïeux. Il retrouve le lit originaire et le bois de figuier qui le prouve. Il rejoint la nuit où la scène se décompose pour se rendre invisible à chaque aube. Son père ne le reconnaît pas. Son épouse ne le reconnaît pas. Son fils ne le reconnaît pas.
Seul son chien de chasse le reconnaît.
Seule sa blessure de chasse (le coup de dent d'un sanglier) le désigne aux yeux de sa nourrice.

*



En Grèce ancienne les organes de l'Être étaient avant tout le Soleil dans le ciel, la montagne dominant la terre, le Chaos, la Nuit, l'Hadès.
Le temps était Typhon. À Typhon les anciens Grecs adressaient des hymnes magnifiques : Toi qui fais frissonner, toi l'irrésistible, dieu des heures indues et non mesurables,
ô crépitant qui te déplaces au-dessus des neiges,
l'être est l'ancêtre ;
ses gestes sont au nombre de trois : aurore, zénith, crépuscule.
Se lever, se dresser, se coucher sont les mouvements du monstre Être.
Il dévore les éphémères dans la mort.
Il y a un soleil personnel avant qu'il y ait un démon intime, un ange gardien (avant qu'un écho de la langue interne ne naisse sous la calotte crânienne et ne retentisse sous la forme du murmure incessant, régulier, social, identificateur, domesticateur qu'on nomme conscience). C'est le mot à vrai dire si étrange de Philippe de Macédoine dans Tite-Live :
– Le soleil de mes jours n'est pas encore couché.

*



Dans le culte des ancêtres la parenté quitte la verticale de l'instant hic et nunc, se penche, se courbe, s'horizontalise jusqu'à la frontière – jusqu'à la ligne du seuil de la porte du temple. Se diachronise jusqu'à la chronique couchée par écrit.
Un jour les cadavres de ceux qui ont engendré les plus petits ne sont plus abandonnés par eux aux charognards et aux fauves.
Les parents cessent d'être dévorés sous les yeux des enfants.
Les enfants les cachent.
Les proies tuées et les humains disparus hantent les rêves des survivants jusqu'à la culpabilité.
Le mixte d'hallucination et de culpabilité est très antérieur à la conscience – qui, elle, est vocalisée. Mais l'une comme l'autre en constituent l'arrière-fond.
Les plus anciennes figurations humaines sont des rétrospections.
On appelle opisthotonos la contracture propre au cou des bisons qui meurent.
Ils semblaient se retourner en arrière.
En fait ils meurent.
Plus tard le sacrifice plongea le couteau à cette pliure solstitielle du cou qui se renversait comme s'ils regardaient en arrière.
Sur les antilopes et les bouquetins le regard en arrière jeté vers l'excrément qui sort de l'anus et que surmonte un oiseau laisse supposer que le printemps est expulsé par l'hiver mourant.
Que le temps fort de la temporalité est projeté par la mort qui en serait la source.
L'ogre Temps, à force de dévorer végétation et animaux, fait de la terre un désert et en dépeuple toutes les familles et tous les habitants.
À mesure que le chasseur chasse, que le monde diminue, le ventre de la bête temporelle se distend.
Son ventre soudain explose, accouche, excrète, projette printemps, végétation neuve, petits des animaux, repeuplant le monde de tout ce que la Bête chronique avait dévoré. Mais je surinterprète des petites scènes incisées sur des bouts d'omoplates. Qu'on n'oublie pas que je ne dis rien qui soit sûr. Je laisse la langue où je suis né avancer ses vestiges et ces derniers se mêlent aux lectures et aux rêves. La seule chose qui est certaine : une intrigue mythique est ramassée là, au sein de ces incisions, de ces pigments, de ces mains soufflées, supposant à la fois un rêve fait d'images et un récit fait de langage.

*



Tout à coup les forêts reculent. Les glaces fondent. Les montagnes se dressent. Nous piaillons.
Arrivèrent günz, mindel, riss, würm.
Des forêts suivaient des glaciers. Des troupeaux suivaient des forêts. Des charognards suivaient des carcasses qui tombaient des troupeaux qui suivaient des forêts qui suivaient des glaciers qui évidaient des grottes dans les flancs des montagnes.
Qu'est-ce qui nous oriente ? Le vide qui s'étend devant nous.
Vides, trous que nous envahissons comme les rêveurs aiment à faire dans les rêves.

*



Nous vivons toujours dans la période interglaciaire du pleistocène que nous nommons parfois actualité.
C'est le mot de Mallarmé au mois de février 1895 : Il n'est pas de présent.
Mal informé celui qui se croit son propre contemporain.
 

Thursday 16 July 2015

Anna Karvan | Ice (1967)


The main protagonist roam in a earth invaded by the ice searching an enigmatic girl.

I came upon her by chance, not far away, lying face down on the stones. A little blood had trickled out of her mouth. Her neck had an unnatural twist ; a living girl could not have turned her head at that angle : the neck was broken. She had been dragged by the hair, hands which had twisted it into a sort of rope had dulled its silvery brightness. On her back blood was still fresh in places, wet and bright red ; in other places it had caked black on the white flesh. I looked particularly at on arm, on which the circular marks of teeth stood out clearly. The bones of the forearm were broken, the sharp pointed ends of bone projected at the wrist through the torn tissue. I feld I had been defrauded : I alone should have done the breaking with tender love ; I was the only person entitled to inflict wounds. I leaned forward and touched her cold skin.

I went to look in at the cottage window, taking care not to go near enough to be seen from inside. A lot of people were crowded into a small smoky room, firelight flickering red on their faces, reminding me of a medieval picture of hell. At first I could not make out any words ; they were all talking at once. I recognized one woman, unusually tall, handsome in a forbidding way ; I had seen her at the High House. Now she was with a man she called father who sat just inside the window. Because he was so close to me, his was the first voice I understood. He was relating the legend of the fjord, how every year at the winter solstice a beautiful girl had to be sacrificed to the dragon that lived in its dephts. The other voices gradually became silent when he began describing the rite itself. « We untie her as soon as we get her up there on the rock. She must struggle a bit, otherwise the dragon might think we'd palmed off a dead girl on him. The water foams down below. The monter's great scaly coils appear. Then we hurl her down. The whole fjord becomes a maelstrom, blood and foam flying in all directions. »

I walked away in disgust. These people were worse tha savages. My hands and face were numb, I felt half frozen, and could not think why I had stood there so long listening to their preposterous rigmarole. I had a vague feeling that something was wrong with me, though I could not decide what it was. For a mement this was disturbing ; then I forgot it. A small, cold, bright moon shone high in the sky, showed the landscape distinctly. I recognized the fjord but not the scene. Tall perpendicular rocks rose straight out of the water, supporting a flat horizontal rock like a high-diving platform. Some people appeared, dragging the girl between them, her hands tied. As she passed me, I caught a glimpse of her pitiful white face of a child-victim, terrified and betrayed. I sprang forward, tried to reach her, to cut her bonds. Somebody went to me. I threw him off, tried again to get near her, she was dragged away. I rushed after the group, shouting : « Murderers ! » Before I could overtake them, they were hauling her up the rock.

I was close to her on the platform high above the fjord. We were alone there, although a mixture of vague sounds behind me indicated the presence of numerous on-lookers. They did not concern me. I was completely concentrated on the trembling figure, helf kneeling, half crouching, at the extremity of the rock, overhanging the dark water. Her hair glittered as if with diamond dust under the moon. She was not looking at me, but I could see her face, which was always pale, but now drained of colour right to the bone. I observed her extreme slenderness, felt I could enclose the whole of her with my two hands, event the rib-cage containing her heart. Her skin was like white satin, shadowless in the brilliant moonlight. The circular marks the cords had left on her wrists would have been red in daylight, but now looked black. I could imagine how it would feel to take hold of her wrists and to snap the fragile bones with my hands.
Leaning forward, I touched her cold skin, the shallow hollow in her thigh. Snow had fallen between her breasts.

Armed men came up, pushed me back, seized her by her frail shoulders. Big tears fell from her eyes like icicles, like diamonds, but I was unmoved. They did not seem to me like real tears. She herself did not seem quite real. She was pale and almost transparent, the victim I used for my own enjoyment in dreams. People behind me muttered, impatient at the delay. The men did not wait any longer but hurled her down, her last pathetic scream trailing after her. The night exploded then like a paper bag. Huge jets of water sprang up ; waves dashing wildly against the rocks burst in cascades of spray. I heardly noticed the freezing showerbath, but peered over the edge of the platform, and saw a circle of scaly coils emerge from the seething water, in which something white struggled frantically for an instant before the crunch of armour-plated jaws.

Wednesday 15 July 2015

Anna Kavan | Sleep Has His House (1948)


Shouting and singing and hullooing his satellites the gregarious sun comes ranting upon the collective stage. After so many billion repetitions you might expect him to be getting the least bit perfunctory : but not he ; no sirree. Like a conscientious actor determined to give the public full value for money, he rampages through his performance as enthusiastically as the first time he put on the act. Of course the rest of the cast plays up to him. The clouds jump to their opening positions, hurriedly snatching the gaudy properties of the cooperative scarf dance. On earth ocean bellows to ocean across the continents like allied commanders exchanging a salute of guns. The mutual greetings of the archipelagoes are more intime.

As the sunwaves break over the roof of the jungle, flocks of parrots burst upward from the dark teeming mass like an explosion of rockets. The monkey village yawns, fornicates, pinches, scratches, chatters itself awake. In honeycombed caves the glow-worms conglomerate starrily. In linked caves, between clotted stalactites, the bats hang themselves up together. The gentle pandas in their dainty dress indulge in party frolics among the rocks.

At sea it is the same thing : whales, porpoises, dolphins, flying fish, mackerel, sprats, all travelling in schools and shoals ; oyster-beds packed to capacity ; animalcula and foraminifera swarming in astronomical multitudes.

Higher up the scale there's no difference eiher. The tribal community rouses itself en mass. Everyone begins laughing and talking and praying and crying and cooking and washing and working on top of everyone else. The baskets of the fighting-cocks are placed close together for company's sake. Paying the civilized penalty, Mr. Whosit awakens flimsily divided from the tens or hundreds of rabbits inhabiting his particular warren. Quick the switch and the dial, then, to bring loud the voices of nations ; quick the collar and tie, quick the pants of respectability, the shined shoes to run to the crowded eating-places, the streets, the buses, the trains, the cars, planes, offices, parks, night-clubs, theatres, hospitals, churches, graveyards, tombs.

Tuesday 14 July 2015

Ted Hughes | Phaeton in ''Tales from Ovid''

Phaethon, hair ablaze,
A fiery speck, lengthening a vapour trail,
Plunged towards the earth
Like a star
Falling and burning out on a clear night.
In a remote land
Far from his home
The hot current
Of the broad Eridanus
Quenched his ember-
And washed him ashore.
The Italian nymphs
Buried his remains, that were glowing again
And flickering little flames
Of the three-forked fire from God.
Over his grave, on a rock they wrote this: Here lies Phoebus' boy who died
In the sun's chariot.
His strength too human, and too hot
His courage and his pride.

His father mourned, hidden,
Eclipsed with sorrow.
They say no sun showed on that day.
But the fires of the burning earth
Were so far useful, to give some light.
And now Clymene's outcry
Equalled the catastrophe.
Mad with grief, she searched the whole earth
To find the boy's limbs, or his bones.
She came to the grave. With her breasts naked
She embraced the engraved rock.
The daughters of the sun grieved as keenly,
Beating their breasts,
Throwing themselves down on their brother's tomb,
Calling incessantly
For the one who would never hear them.
Days, weeks, months, they mourned.
Their lamentations were obsessive,
As if they could never exhaust them
They wore out four full moons with their wailings
Until at last Phaethusa -
As she flung herself to the ground -
Cried out that her feet were fixed of a sudden.
And Lampetie, as she stepped to help her,
Found her own feet rooted, immovable.
A third, tearing her hair,
Brought away handfuls of leaves.
One screamed that a tree bole
Had imprisoned her calves and thighs.
Another was whimpering with horror
To find her arms crooking into stiff branches.
And as they all struggled in vain
To escape or understand, tree bark,
Rough and furrowed, crept on upwards
Over their bodies, throats, faces -
Till it left only their lips, human enough
To call for their mother.
And what could she do
But stagger to and fro
In growing terror -
Torn his way and that,
Kissing the mouths she could still find?
And when she tried to free her daughters
Ripping at the bark, and snapping the branches -
A liquid, like blood,
Came welling out of the wounds,
And the mouths screamed :
"O Mother, do not hurt us.
Though we are trees
We are your daughters -
Oh now we must leave you."

So their last words were silenced
By the sealing bark.
But then, through that bark,
There oozed lymph like tears, that in the sun's light
Solidified as amber.
These dropped from the boughs
Into the hurrying river
Which carried them off
To adorn, some day far in the future,
Roman brides.

Monday 13 July 2015

Pascal Quignard | Abîmes

Chapitre LIV, L'animal


Dans les mythes les plus anciens la rétrospection est interdite sous peine de mort du regardé. Il ne faut pas qu'au solstice le soleil regarde en arrière. On ne va pas retourner en direction de la mort. On ne va pas rétrocéder dans l'hiver qui précède. Il faut avancer de nouveau vers le printemps tête baissée.
C'est la tête délicate et merveilleuse du faon du Mas-d'Azil.
Rückblick.
L'idée qui traversait l'œuvre de Müller traversa celle de Schubert : L'idée de bonheur appartient au regard en arrière.
L'obsession de l'amour passé passant insensiblement à l'invasion de l'amour du passé.
Wilhelm Müller est mort à Dessau le 30 septembre 1827. J'aimai Fräulein Cäcilia Müller. Müller ne sut rien de la mise en musique par Schubert de son Voyage d'hiver.

Mary Jane Leach - Ariadne's Lament (1997)


Sunday 12 July 2015

Jacques Dupin | Le Grésil (1996), poème de la partie « Nacelle »

(Jacques Dupin - Francis Bacon)


Rayonnement du cuivre attaqué
sautes d'humeur du miroir

diction de la gravure
prédiction de l'envolée

à travers la cage, le souffle
un corps, son battement, sa survie

le solstice d'un corps
remontrance et battement

contre le ciel de papier
aridité de la voix

grief du trait
semonce du voir

Aimé Césaire | Monstres

je les reconnais
l'odeur le souffle le rien
contact de mufles
états d'âme
états-aoûtants
ma terreur est de voir déboucher l'escouade des sans nom
ceux-là travaillent dans le furtif le soir la soie
lapant souriant l'évidence d'une chaleur - leur proie
ou bien selon les besoins de leur saison grignotant le coprah non exsangue, sifflant chaque goutte à travers la paille de chaque seconde, coupant les muscles au fils du silence,
le Monstre.
il y a longtemps que j'ai dressé la carte de ses subterfuges
mais il ne sait pas qu'au moment du répit
le sortant de ma poitrine j'en ferai un collier
de fleurs voraces
et je danse Monstre je danse
dans la résine des mots et paré d'exuvies
nu.

ma défense : gravés par la dent du sable sur le galet
- c'est mon coeur arraché des mains du séisme -
LE CHIFFRE

Aimé Césaire | Pierre

le verra-t-on enfin endosser sa propre force
le verra-t-on coup de coeur de l'éclair
sur la masse fade du faubourg
il pensa l'épaisseur de la nuit
il pensa longue
longue
la longue moustache longue de l'incurable pacarana
il pensa la logique de l'outrage
alors il dit la pierre plus précieuse que la lumière
l'eau se trempant de feuilles vertes
il plut l'approche de l'équinoxe

Georges Bataille | "Excédents d'énergie dus à l'action du soleil", dans L'Économie à la mesure de l'univers

Il ne m'est pas difficile de capter l'énergie nécessaire à ma vie. Je dispose même d'habitude d'excès appréciables et dans l'ensemble au moins l'humanité dispose d'un immense surplus.
Mais c'est une erreur d'attribuer comme on fait d'habitude notre excès de richesse aux récentes inventions, au développement de l'outillage moderne. La somme d'énergie produite est toujours supérieure à celle qui fut nécessaire à sa production. C'est le principe de la vie, que vérifie généralement l'activité des végétaux et des animaux. L'activité productive d'un végétal peut être envisagée d'un côté comme dépense d'énergie, de l'autre comme acquisition. Si l'acquisition n'était pas supérieure à la dépense, aucune plante ne pourrait croître. Il en est de même chez les animaux (la croissance animale est plus difficile et suppose souvent l'assistance d'adultes : en ce cas l'ensemble des adultes-animaux en bas âge dont la masse s'acroît). Cette loi fondamentale de la vie n'est pas surprenante. Les sommes dépensées utilement permettent à la vie de capter l'énergie solaire et celle-ci procure aisément les excès du monde vivant.
Ce sont les parties vertes des plantes de la terre ferme et des mers qui opèrent sans fin l'appropriation d'une part importante de l'énergie lumineuse du soleil. C'est par cette voie que la lumière - le soleil - nous produit, nous aime et engendre nos excès. Ces excès, cette animation sont l'effet de cette lumière (nous ne sommes au fond qu'un effet du soleil).
Pratiquement, du point de vue de la richesse, le rayonnement du soleil se distingue par un caractère unilatéral : il se perd sans compter, sans contrepartie. L'économie solaire est fondée sur ce principe. D'habitude, si l'on envisage notre économie terre-à-terre, on s'isole. Mais celle-ci n'est qu'une conséquence de celle-là qui l'engendre et la domine.
Si nous nous efforçons de saisir, à partir de ce principe, les mouvements économiques qui nous animent, nous apercevons en même temps l'excès de la production sur l'énergie nécessaire et l'effet général de cet excès : si nous produisons davantage que nous n'avons dépensé pour produire, l'excès d'énergie produit doit se retrouver de quelque façon. S'il est utilisé, cela ne peut être qu'à une croissance du système qui l'a produit. Sinon il doit être détruit. Cette énergie en jeu dans notre activité n'est pas, quoique nous l'oubliions, libérée de ses origines. Ce qu'elle opère en nous n'est qu'un passage. Nous pouvons arrêter les rayons solaires mais pour un temps. L'énergie solaire que nous sommes est une énergie qui se perd. Et sans doute nous pouvons la retarder, mais non supprimer le mouvement qui veut qu'elle se perde. Le système dont nous sommes partie peut arrêter le rayonnement s'il l'accumule en croissant, mais il ne peut croître sans fin. En un point donné du temps, quand la croissance du système atteindra sa limite, l'énergie captée ne pourra que reprendre sa course et se perdre. Le rayon solaire que nous sommes retrouve à la fin la nature et le sens du soleil : il lui faut se donner, se perdre sans compter. Un système vivant croît, sinon se prodigue sans raison.